Chérie, les enfants sont revenus
Un reportage de Anne Mougues
Ils ont un jour quitté le nid familial… pour y revenir, quelques mois ou quelques années plus tard. Perte d’emploi, loyer trop cher, divorce ou séparation, et puis la crise économique est passée par là.
Alison, Perrine et Edouard sont les enfants de ce qu’on appelle la génération-boomerang. Ils habitent dans le Nord de la France et, après avoir vécu dans leur propre logement, la famille est de nouveau leur cocon, à la fois douillet et piquant.
A vingt-cinq ans, Alison est revenue vivre, à la campagne, chez sa maman. Le retour dans la maison familiale est alors semé de petits bonheurs mais aussi de chamailleries incessantes, l’impression, parfois, de retomber en enfance. « C’est comme si je redevenais petite fille. Ma mère, elle fait tout pour moi, à ma place. Au début, c’est plaisant, mais, très vite, ça devient pesant, alors, je me rebelle ! »
Le retour à la maison serait-il donc l’occasion d’une nouvelle crise d’adolescence ?
Après quatre mois seulement d’indépendance, Edouard se découvre trop jeune pour vivre loin de papa-maman. A son retour, tout penaud, il se promet de se servir de cette expérience pour acquérir la maturité qui lui manquait et devenir, enfin, pleinement adulte. Il se lance un nouveau défi qui pourrait marquer sa vie et n’hésite pas à emmener avec lui toute sa famille « Réussir, ce serait une belle fierté, une revanche sur le passé. Je serai vraiment heureux, fier de transformer cet échec en succès… »
Perrine, quant à elle, est revenue habiter chez ses parents, avec Emmanuel, son compagnon depuis huit ans. Perrine et Emmanuel sont tous les deux sans travail. Mais, leur nouvelle vie n’est pas aussi rose qu’ils ne l’avaient rêvé. Dans la maison vivent déjà cinq personnes et seul le papa de Perrine travaille. La jeune femme doit désormais apprendre à composer, à compter, et à ne plus se comporter en petite fille gâtée. « C’est gênant, comme on n’a pas d’argent, on doit demander à maman pour tout, même pour acheter simplement du dentifrice, ou de la mousse à raser pour Manu. »
En revanche, les parents de ces nouveaux « Tanguy » semblent trouver leur compte dans ce retour au nid familial de leurs enfants, incapables de s’assumer comme adultes. A l’image de la maman d’Alison, ravie de retrouver de nouveau sous son aile tous ses poussins… « Quand Alison, ses frères et sœurs, sont tous là, à la maison, je peux enfin dormir tranquille, je sais qu’il ne leur arrivera rien, je les protège, ce sont encore mes bébés… »
C’est le cas également des parents d’Edouard. Ils profitent de cette occasion inattendue de vivre une deuxième fois les moments, trop vite envolés, de l’enfance de leur petit dernier… Pendant que Edouard, devenu grand, est de nouveau à l’étage, maman est en bas et fait des gâteaux au chocolat «J’ai l’impression d’un petit retour en arrière… Comme il y a dix ans, quand mes enfants étaient petits. La maison est de nouveau pleine, il y a du bruit, un joyeux désordre »
Et, cette nouvelle solidarité tisse, autour de la famille des liens indestructibles. La maman de Perrine a été jusqu’à renoncer à son travail pour pouvoir s’occuper des six personnes désormais sous son aile. Son choix s’est imposé à elle comme une évidence « Si on n’était pas là, où est-ce qu’ils seraient tous les deux ? Sous les ponts ? Je ne peux pas me dire qu’un de mes enfants vit sous les ponts. Ce n’est pas possible, je préfère encore me priver sur tout. »
Ces jeunes rêvent-il de reprendre au plus vite une vie d’adulte ? Alison se pose la question : « Après un an et demi chez maman, je ne sais plus trop si j’ai envie ou pas de voler de mes propres ailes, je commence à bien m’encroûter dans ma nouvelle vie… »